L’Acromphale

Dispositifs

Bruno Pons Levy. Paris, 1992
POLYRÉALITÉ
POLYMATRICIALITÉ
PSYCHORÉFRACTIVITÉ
ONTOGRAPHIE
RÉNONICITÉ
ALTERNITÉ
L’aventure de l’Acromphale est de celles auxquelles il n’est pas rare que l’on consacre, au minimum, une vie. Bruno Pons Levy voit le jour en Normandie où il passera les vingt premières années de sa vie avant de s’exiler à Paris, au moment même où notre monde prenait sa forme actuelle. Après avoir jeté sa montre le long du Rift poétique, soulevé par le panache d’une carrière de compositeur vite aiguillée sur l’orbite des mots, l’écrivain dresse un premier bilan.
Lorsqu’en 1992, il entreprend de jeter les bases d’une révolution polyréaliste, le jeune poète ne se doute pas que, trois décades plus tard, le champ d’investigation qu’il vient d’ouvrir recélera une quantité de zones vierges supérieure au nombre d’opus publiés. L’approche pons-levyenne de la polyréalité tranche avec le panthéisme pluraliste d’un William James. Chez lui, l’unitarité consubstantielle à la pluralité primordiale ne se limite pas à un pur concept. Rien ne s’oppose au fonds unitaire du chaos sinon le psychisme de l’homme « dont le pouvoir de nommer se combine avec le risque de déchoir ».
L’instauration du dispositif des acromphales marque le début de la recherche sur la polymatricialité ; l’objet de la connaissance est le produit de plusieurs matrices dont l’influx du système linéaire converge à leur insu ; une suite de syntagmes s’en dégage, constitutive d’un langage structurel mutatoire. On parle ici de réfraction psychique.
« La psychoréfraction provoquée permet de localiser le siège du processus psychique de déformation de la réalité. Plongeant les yeux ouverts dans un sommeil profond, le manifestant est en position de voir, depuis un poste d’enquêteur actif et distancié plutôt que de patient passif et morfondu. Ce concentré de réalité le pénètre, puis lui laisse réfracter la lumière externe. Le différentiel obtenu à partir de l’indice de psychoréfraction du conscient par rapport au réel donne une indication précise sur l’énergie distanciative employée par le préconscient pour s’écarter de la réalité, ennemie suprême du moi. Le facteur de déformation peut être à présent calculé à partir des données préparées de la source réfractée. »
« L'expérience polymatricielle met à la disposition du conscient un ontogramme, condensé d’opérations polymatricielles représentatif de la déformation que le psychoréfracteur hominien fait subir aux quanta du réel qui le traverse. L’être est visible entre les images qu’il se projette. S’il s’exerce à voir dans l’obscurité, ce n’est pas dans l’optique de développer une vision scotopique, mais dans l’unique espoir de s’y voir lui-même. »
De la polymatrice naîtra, en 2001, la réédition revue et augmentée d’un essai philosophique écrit sept ans plus tôt, dans lequel Pons Levy avait commencé de défricher le champ du rénonisme. Balançant entre rem, litt. « chose » et ren non, litt. « nulle chose » (latin), le rien, loin de se contenter du titre de non-chose, s’arroge tous les attributs de la chose du non. « L’être existe par le refus d’être ce qu’il n’est pas. » Il en découle une civilisation alterne, conservatrice et progressiste, renaissante et innovante, modulaire aussi longtemps qu’elle se sait unitaire. Sentant poindre ce changement de paradigme, l’ontographe n’hésite pas à transgresser quelques-unes des règles fondamentales en vigueur au sein du laboratoire ontographique. Son attitude l’oblige, dès 1996, à se radier du mouvement dont il est l’unique membre. Le pouvoir que lui confère son statut de fondateur lui permettra de se réintégrer, au printemps 2002, pour une nouvelle série d’EPI (expériences polymatricielles individuelles), puis chaque fois qu’il en ressentira le besoin, le tout pour l’écrivain étant de conserver sa position entre les mondes sans jamais perdre conscience que ce n’est pas lui qui écrit le livre, mais son propre sujet qui lui emprunte sa main.
À l’aube des années dix, l’auteur des Prodromes s’invite dans la disputation qui oppose les tenants du postmodernisme aux partisans d’une révolution nationale ou internationale, avec pour objectif la détection des signes avant-coureurs de la contre-globalisation ; il n’aura de cesse qu’il n’en ait développé le négatif antitotalitaire. L’alternité d’une civilisation reflète celle de ses membres. Leur positionnement distinct et remarquable procède de leur attachement aux branches d’un tronc de connaissance irréductible ainsi qu’à un faisceau de mythes dont l’ordonnancement des sources fait apparaître la substructure, étant à même de faire culture. Les maîtres d’œuvre de cet alternalisme universalisé préconisent la mise en place d’un dispositif d’évaluation systématique des solutions alternatives, de manière à contourner les blocages institutionnels relatifs à la concentration des pouvoirs. Ils se refusent toutefois à mettre en cause la verticalité du pouvoir, attribuant au système et aux contre-pouvoirs un identique ressort hégémonique. Soucieux de réduire les risques de vitrification systémique, ils appellent à une refonte de la répartition des compétences, à laquelle ils souhaitent donner une fluidité accrue aidant à faire émerger les forces créatrices du juste, facteur de cohérence entre les multiples strates de la société.
Extraits tirés de L'existant manifeste et Le rien, II. L'Acromphale, 1992 et 2001.